Don Quixote, my dream

d’après Kathy Acker

Un projet proposé par la Langue Ecarlate
Mise en scène Hélène Mathon / Avec Rachel Benitah, Sébastien Chollet, Cédric Leboeuf, Hélène Mathon  / Création sonore Thomas Turine / Création lumière Nathalie Lerat / Scénographie Valérie Jung /  Régie générale Cédric Marie
Co-production Théâtre du Merlan et Montevideo à Marseille dans le cadre de l’aide à la maquette, Les Subsistances à Lyon / Avec le soutien de la Ferme du Buisson, de la DMDTS – Ministère de la Culture, de la DRAC Ile de France et de l’American Center

« Ne soyez pas un, ni multiple , soyez des multiplicités ! Soyez la Panthère rose, et que vos amours encore soient comme la guêpe et l’orchidée, le chat et le babouin.» Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, Les Editions de Minuit, Paris, 1980.

À l’aube du XXIe, nous vivons entourés par les temples de la consommation, lieux factices de tous les possibles, mais nous sommes pourtant de plus en plus isolés quant aux questions de nos désirs et de notre devenir. Selon un mouvement inversement proportionnel à ce désarroi existentiel des populations, les gouvernements adoptent des politiques de plus en plus répressives pour dissimuler leur absence de réflexion, de propositions constructives pour lutter contre cette désagrégation du tissu social et la perte de repères des individus qui le constitue. Elles ont pour effet immédiat une normalisation comportementale qui n’est pas sans évoquer la « société de contrôle » chère à Michel Foucault qui, en établissant un catalogue des perversions, découpe le normal et l’anormal, et exerce une oppression sur nombre de sujets rétifs à cette découpe.
Désormais, c’est une société effrayée d’elle-même qui nous accueille, une société qui n’affronte plus ses propres monstres, et désespérément, se tue en croyant se protége. Aussi, si le théâtre porte encore en lui les semences d’une résistance à l’ordre dominant, s’il est encore à cet endroit qui fut son essence, c’est très précisément dans sa capacité à donner à entendre des paroles minoritaires, atypiques, contestataires et poétiques .
La ligne qui, de Cervantès à nous, passe par K. Acker, est une ligne d’inquiétude face au réel et de foi en la force de l’imaginaire. « Don Quixote, my dream » est une nuit dans l’esprit d’une femme qui subit une I.V.G., une errance mentale, née de la douleur physique, guidée par le désir, l’amour et la colère.
Cette errance fut celle de K. Acker tout au long de sa vie de femme et d’auteur. Ce texte restitue la détermination qui fut la sienne à combattre tout ce qui pouvait ressembler à une chapelle, son admirable naïveté à partir à l’assaut des moulins ! « Don Quixote, my dream » est le fruit de la rencontre entre une équipe et un texte. Il ne s’agit pas de l’adaptation du texte de K.Acker pour le théâtre mais de l’utilisation, à nos propres fins, d’une matière littéraire qui véhicule des thématiques importantes à nos yeux.

« Don Quixote which was my dream », c’est mon rêve d’un objet théâtral, chorégraphique et musical qui s’appartienne en lui-même, exacte rencontre entre la parole de K.Acker, mon histoire et l’équipe qui m’entoure.
H.Mathon

Une écriture qui déconstruit la syntaxe de nos récits, comme le cubisme avait « désécrit » celle de nos regards. Une sorte de Guernica de l’écriture. Un combat mené par une irrepressible héros-héroïne, défaillante et indomptée. Une écriture allègre, post-féministe, dédiée à tous les mutants qui s’en prennent vaillamment aux monstres froids du monde : ceux, perpétuellement renaissants, du terrorisme moral, de la violence suicidaire, du mensonge infantilisant. Une écriture perverse, insurgée, à la visée éthique. Son plus profond désir : notre intime réveil, notre redressement.” P.Hutchinson, préface à “Don Quixote which was a dream”.

 

KATHY ACKER [17 Avril 1947 – 30 Novembre 1997]
A coeur et à cris par Patrick Thevenin, 1997.

Petite fille de la Beat Generation et grand-mère des Riot Grrrls, la sulfureuse kathy acker est enfin éditée en france. auteur atypique et décadente, elle na eu de cesse de crier sa liberté, éternellement à contre-courant.

Kathy Acker est morte d’un cancer en 1997, à 53 ans, dans une clinique new age de Tijuana, où elle s’était réfugiée parce qu’elle craignait la médecine occidentale et ses dogmes. Les médias furent brefs, le très réputé The Guardian écrivit seulement : « Acker, l’écrivain scandaleux, est décédée.». Sans préciser qu’elle laissait derrière elle quelque vingt-cinq années passées à se battre avec l’écriture, ainsi qu’une quinzaine de romans underground qui ne parlaient que de sang, de sexe et de folie. Des livres qui ont semé le trouble autour d’eux et que des auteurs américains comme Dennis Cooper encensent. (..)Petite fille de la Beat Generation et grand-mère des riot girls, la sulfureuse Kathy Acker, auteur atypique et décadent, elle n’a eu de cesse que de crier sa liberté, éternellement à contre-courant(…) Ce qui ne pardonne pas, et son parcours en est la preuve. Née dans une richissime famille juive, elle n’a jamais connu son père, et sa mère lui coupe les vivres à 18 ans. Elle travaille alors comme strip- teaseuse et se met à écrire des textes rageurs emportés par une écriture qui s’autorise tout. Fortement inspirée par la Beat Generation, et surtout par les techniques de cut up de William Burroughs, Acker n’en fait qu’à sa tête. Elle dessine – essentiellement des sexes de femmes, qu’elle jette au hasard des pages. Elle «emprunte», plagie allègrement les auteurs européens politiquement incorrects, que ce soit Violette Leduc, Pier Paolo Pasolini ou Sade. Elle raconte son histoire d’amour incestueux avec son père, change en cours de narration le genre sexuel de ses personnages, s’invente une biographie aux côtés de Jean Genet et déclare, dans My Death My Life by Pier Paolo Pasolini : « Je vous dis de brûler les écoles sur-le-champ. Ils vous apprennent à bien écrire. C’est une façon de vous empêcher d’écrire ce que vous voulez.» La liberté d’Acker est d’avoir eu le courage de gueuler haut et fort : « Je baise, et je vous emmerde ». Acker était une artiste en rupture de tout. De la littérature classique, qu’elle remettait en cause avec véhémence ; de la bourgeoisie, dont elle se méfiait ; du féminisme traditionnel, qu’elle évitait scrupuleusement ; des machos, qu’elle détestait. Elle fut d’une certaine manière la petite fille de la Beat Generation, une Burroughs punk et nymphomane, mais aussi la grand-mère du mouvement post féministe fortement teinté de lesbianisme.